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18 mars 2018

Tom Sharpe

Tom Sharpe est le créateur du anti-héros Henry Wilt que l'on retrouve dans cinq romans, à l'humour irrésistible et déjanté, so british. Dès les premières pages du premier livre de la série, Wilt, publié en 1976, le décor est planté, avec en particulier la plantureuse épouse Eva.


Puis il ouvrit la porte et pénétra chez lui.
Il y avait dans l'entrée une odeur bizarre. Une espèce de parfum. A la fois musqué et sucré. Il posa sa sacoche et jeta un regard au salon. Eva était évidemment sortie. Il entra dans la cuisine, mit la bouilloire sur le feu et se tâta le nez. Il se promit de l'examiner en détail dans la glace de la salle de bains. Il était à peu près au milieu de l'escalier et se disait qu'il y avait quelque chose de vraiment méphitique dans ce parfum quand il fut arrêté net dans sa progression. Eva Wilt se tenait sur le seuil de la chambre, vêtue d'un ensemble-pyjama outrageusement jaune avec un pantalon particulièrement acide. Elle avait l'air vraiment moche, et pour couronner le tout fumait une longue cigarette mince dans un long fume-cigarette. Sa bouche était d'un rouge resplendissant.
- Petite queue, murmura-t-elle d'une voix rauque tout en balançant les hanches. Viens un peu par ici. Je vais te sucer les seins et tu me feras jouir avec ta bouche.

25 août 2015

Martin Amis

Martin Amis considéré comme l'un des écrivains britanniques majeurs depuis la fin des années 70, a publié en 1997 un court roman à l'allure de roman policier : Train de nuit. L'inspectrice Mike Hoolihan enquête sur le suicide suspect de Jennifer, la fille de son patron.



 Le commissaire Tom allait à présent me livrer un nouvel élément. Je le sentais venir. Il s'est requinqué. D'un geste vif mais fébrile, il a farfouillé dans un classeur : ça ressemblait à des résultats de labo de l'institut médico-légal. Je me suis demandé comment le commissaire Tom s'y prenait pour surveiller et contrôler les découvertes de l'autopsie qui tombaient les unes après les autres.
"Les analyses ont révélé des traces de sperme dans le vagin de Jennifer et dans sa bouche, il a dit (et il lui en coûtait de ne pas me quitter des yeux). Dans sa bouche, Mike. Vous voyez ce que je veux dire?"
J'ai acquiescé. Et forcément, je me disais : Bon Dieu, on est vraiment dans une sale béchamel.
Huit jours déjà, et Jennifer qui repose toujours comme un plat de fête dans la chambre froide à l'angle de Battery Street et de Jefferson Street.

28 oct. 2013

Zadie Smith

Zadie Smith a publié son premier roman en 2000 alors qu'elle était encore étudiante en littérature anglaise à Cambridge. Encensé par la critique, Sourires de loup peint avec humour une société britannique multi-ethnique. Parmi les personnages : Millat, glandeur et grand séducteur, fils d'un immigré pakistanais fondamentaliste musulman, et Joyce, bourgeoise bohème dont la vocation est de consacrer sa vie à améliorer celle des autres.



                                                       ©Aivar Mikko

Pendant ce temps, Joyce s'affairait non sans mal à essayer de résoudre les problèmes qu'avait Millat avec les femmes blanches. Et ils étaient légion. Toutes les femmes, quelle que fût  leur couleur de peau, du noir le plus noir jusqu'au blanc albinos, étaient à genoux devant lui. Elles lui glissaient leur numéro de téléphone, lui faisaient des pipes dans les lieux publics, se frayaient un chemin à travers des pubs bondés pour lui offrir un verre, le séquestraient dans les taxis, le suivaient jusque chez lui. Quelle qu'en fût la cause - le nez aquilin, les yeux sombres comme une mer profonde, la peau couleur chocolat, les cheveux comme des rideaux de soie noire ou peut-être, purement et simplement, sa forte odeur -, c'était le succès garanti. Allons, inutile d'être jaloux. A quoi bon ? Il y a toujours eu et il y aura toujours des gens qui respirent, que dis-je, qui transpirent le sexe par tous les pores de leur peau.

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et en bonus, une contribution à une thématique actuelle, un extrait où le même Millat s'efforce d'observer les préceptes fondamentaux de l'Islam :

Il fumait encore une ou deux cigarettes par-ci par-là et buvait une Guinness à l'occasion (à quoi bon se montrer plus royaliste que le roi ?), mais il avait triomphé et de l'herbe satanique et de la tentation de la chair. Il ne voyait plus Alexandra Andrusier, Polly Houghton ou Rosie Dew (encore qu'il rendît visite de temps à autre à une certaine Tanya Chapman, une toute petite rouquine qui comprenait fort bien la nature délicate de son dilemme et lui taillait une pipe dans les formes sans exiger de Millat en retour qu'il la touche. C'était un arrangement qui satisfaisait les deux parties : d'un côté, une fille de juge ravie de scandaliser son vieux birbe de père, de l'autre un garçon qui avait besoin d'éjaculer sans contribution active de sa part).

14 oct. 2012

Alan Hollinghurst

Alan Hollinghurst publie en 2004 son quatrième roman La ligne de beauté. Le livre connaît un grand succès et remporte le Booker Prize. On y suit sur trois époques la vie de Nick Guest, jeune étudiant homosexuel happé par le monde de la classe dirigeante dans le Londres des années 80. Dans l'extrait suivant, Nick rentre chez lui en compagnie de son amant Wani, fils d'un richissime homme d'affaires libanais, et de Ricky, rencontré dans un club de sport.


Il traversa la pièce et posa les clefs de la voiture sur la petite table, et quand il se retourna, Ricky et Wani se bécotaient, rien pourtant n'avait été dit, il n'y avait eu que des soupirs de consentement, un filet de salive scintilla un instant avant un second baiser d'une tendresse choquante. Nick eut un rire voilé et détourna le regard, en proie à une tristesse qu'il n'avait pas ressentie depuis l'enfance, trop violente et humiliante pour être supportée.
Il prit l'édition reliée cuir des Poèmes et pièces d'Addison et en sortit le gramme de coke qui y était dissimulé - tout ce qui restait du quart d'once de la semaine précédente. Il s'agenouilla devant la table basse et nettoya un petit coin du plateau de verre. Le dernier numéro de Harper's était ouvert à la page  du "Journal de Jennifer", et il vit Mr Antoine Ouradi et Miss Martine Ducros au bal de mai donnée par la duchesse de Flintshire. Le reflet pâle et inversé des deux hommes qui s'embrassaient flottait sur la vitre à côté de la photo du couple. Si c'était un des films de Wani - non pas ceux qu'il prétendait produire, mais ceux qu'il aimait voir -, Nick devrait les rejoindre dans quelques instants. Parfois, on y voyait une scène d'un ennui inexplicable dans laquelle un homme s'agenouillait et suçait la queue de deux autres hommes tour à tour, et il essayait même à l'occasion de prendre les deux à la fois dans sa bouche. Nick vit que Wani avait précisément besoin d'en faire autant. Il prépara la poudre et dessina les petites fusées blanches du plaisir puis il regarda Ricky qui tirait sur la boucle de ceinture de son amant.

5 mars 2011

Martin Amis

Martin Amis, que l'on désigne communément comme l'enfant terrible de la littérature anglaise (qu'il me pardonne cet étiquetage simpliste), publie en 1998 un recueil de nouvelles Eau lourde et autres nouvelles.
Voici un extrait tiré de Combien de fois.


 C'était toujours, sans exception, Vernon l'initiateur des actes sexuels conjugaux. Sa femme répondait toujours avec le même empressement timide. Les préliminaires oraux ne leur étaient absolument pas inconnus. En moyenne - et encore une fois, cela tombait toujours sur la même moyenne, et à nouveau Vernon se trouvait être un Monsieur Loyal que ces comptes ne faisaient aucunement sourire -, la fellation était pratiquée par la femme de Vernon tous les trois accouplements, soit 60,8333 fois par an, ou 1,1698717 fois par semaine. Vernon pratiquait le cunnilingus encore plus rarement : tous les quatre accouplements en moyenne, soit 45,624 fois par an, ou 0,8774038 fois par semaine. Ce serait une erreur de penser que c'était là toute l'étendue de leurs variations. Vernon sodomisait sa femme deux fois par an, par exemple... le jour de son anniversaire, ce qui semblait tout à fait approprié, mais aussi, ironiquement (ou du moins le pensait-il), le jour de son anniversaire à elle.

5 févr. 2011

Geoffrey Chaucer

Les contes de Canterbury, écrits par Geoffrey Chaucer à la fin du XIVème siècle, sont considérés comme une des plus anciennes oeuvres écrites en langue anglaise. Dans le conte du meunier, deux étudiants, Nicolas et Absalon se disputent les faveurs d'Alice Lison, mariée à un charpentier. Nicolas parvient à ses fins. Son rival Absalon est alors victime d'une farce des deux amants dans la scène suivante où il se trouve à implorer la belle sous sa fenêtre.


 - Hélas, gémit Absalon, quel malheur
Qu'amour sincère soit aussi mal reçu !
Donne-moi un baiser, à défaut du reste,
Pour l'amour du Christ et aussi de moi.
- T'en iras-tu alors? demanda-t-elle
- C'est promis, ma chérie, dit Absalon.
- Prépare-toi donc, je reviens tout de suite.
Elle chuchota alors à Nicolas :
- Ne fais pas de bruit, et tu vas bien rire.
Absalon se mit à genoux, disant :
- Je me sens lancé, heureux comme un prince,
Car ce n'est là, je l'espère, qu'un début.
Ta grâce, ma chérie; ta faveur, poussin !
Elle ouvre la fenêtre en un éclair.
- Vite, dit-elle, presse-toi donc et dépêche-toi
Pour que nos voisins ne t'aperçoivent pas !
     Notre Absalon s'essuya bien la bouche.
Noire était la nuit, comme poix ou charbon.
A la fenêtre Lison mit son derrière
Et Absalon n'eut pas d'autre choix
Que d'appliquer la bouche sur le cul tout nu
Goulûment avant de se rendre compte.
Confus, il se rejeta en arrière,
N'ignorant pas qu'une femme est imberbe
Or il avait touché une touffe rêche et poilue.
-  Pouah ! s'écria-t-il, Ah ! qu'est-ce que j'ai fait?
- Hi, hi ! fit-elle en claquant la fenêtre.
Absalon s'éloigna, tout misérable.

28 nov. 2010

Salman Rushdie

Salman Rushdie célèbre pour avoir obtenir le Booker Prize en 1981 et pour s'être attiré la sympathie éternelle des ayatollahs iraniens grâce à ses versets sataniques, publie Furie en 2001 dont la traduction française est l'oeuvre de Claro. Il est difficile de résumer ce roman déroutant qui raconte l'histoire du professeur Malik Solanka et notamment ses relations avec ses compagnes successives, parmi celles-ci la magnifique Mila Milo, une Serbe victime d'inceste dans sa jeunesse.


Dans cet espace ensorcelé, lors des visites de Mila, un silence quasi absolu était de rigueur. On entendait des murmures, des chuchotements, mais c'est tout. Toutefois, dans le quart d'heure qui précédait son départ, une fois qu'elle avait sauté à bas de ses genoux, s'était lissée la jupe et leur avait servi à tous deux un verre de jus de canneberge ou une tasse de thé vert, pendant qu'elle rajustait sa tenue pour le monde extérieur, Solanka pouvait lui faire part, s'il le voulait, de ses hypothèses concernant ce pays dont il s'efforçait de déchiffrer les codes.
Par exemple, la théorie encore inédite du professeur Solanka sur les différentes attitudes vis-à-vis de la fellation aux Etats-Unis et en Angleterre (cette antienne étant provoquée par la décision absurde du Président de présenter des excuses pour avoir commis un acte qui - c'est ce qu'il aurait dû déclarer sèchement - ne regardait que lui) reçut toute l'attention de la jeune femme.
« En Angleterre, expliqua-t-il dans un style très collet monté, la fellation entre partenaires hétérosexuels n'est jamais pratiqué avant que la pénétration coïtale ait eu lieu, ou même jamais. Elle est considérée comme un témoignage de profonde intimité. Et aussi comme une récompense sexuelle suite à un bon comportement. C'est rare. Alors qu'en Amérique, avec votre tradition bien établie de "tripotage" adolescent sur la banquette arrière de diverses automobiles iconiques, « faire une pipe », pour employer le terme technique, précède le rapport sexuel en position du missionnaire la plupart du temps ; de fait, c'est le moyen le plus courant chez les jeunes femmes de préserver leur virginité tout en satisfaisant leurs galants.»
« Bref c'est une alternative à la baise. Ainsi, quand Clinton affirme qu'il n'a jamais couché avec cette bécasse in, Monica, la bovine Miss L., tout le monde en Angleterre pense qu'il ment comme un arracheur de dents, alors que toute la population ado (et aussi pré- et post-ado) américaine comprend qu'il dit la vérité, telle que la définissent culturellement les Etats-Unis. Paradoxalement, la fellation n'a rien à voir avec le sexe. C'est ce qui permet aux jeunes filles de rentrer chez elles et d'affirmer à leurs parents, le coeur sur la main - et bon sang, c'est ce qui t'a sûrement permis de le dire toi aussi à ton père - qu'il ne s'est rien passé. Voilà pourquoi Bite Clinton ne fait que répéter  ce que n'importe quel ado viril américain aurait dit. Immaturité ? Ouais, sûrement, mais c'est pour ça que la mise en accusation du Président a échoué.
- Je vois ce que tu veux dire », opina Mila Milo quand il eut terminé.
Elle revint près de lui et, dans une accélération inattendue et irrésistible de leur train-train de fin d'après-midi, ôta le coussin de velours rouge qui protégeait sa vulnérabilité.

23 mai 2010

Nick Hornby

Nick Hornby a rencontré un énorme succès avec Haute fidélité. Dans ce roman publié en 1995, le narrateur Rob fait le récit de sa vie sentimentale et de ses déboires.Voici l’extrait où il renoue avec son ex Laura revenue au point de départ après un intermède avec le dénommé Ray.


Je voudrais tout savoir (sauf que, bien sûr, je ne veux pas le savoir) des orgasmes multiples, des dix fois par nuit, des pipes et des positions dont je n’ai jamais entendu parler, mais je n’ai pas le courage de le lui demander, et elle ne me le dirait jamais. Je sais qu’ils l’ont fait, et c’est déjà horrible; tout ce que je peux espérer, maintenant, c’est que les dégâts sont limités. Je voudrais qu’elle dise que c’était nul, que c’était un coup pour rien, à regarder le plafond en pensant à Rob, que Meg Ryan a eu plus de plaisir dans le drugstore en imitant l’orgasme que Laura dans le lit de Ray. Est-ce trop demander?

1 janv. 2010

Will Self

L’œuvre de Will Self met souvent en scène des personnages sujets aux hallucinations. Les grands singes, publié en 1997, raconte l’histoire de Simon Dykes qui après la scène présentée plus bas voit sa compagne Sarah sous les traits d’un chimpanzé.


Elle s’éveilla pendant l’assaut final de ses auriculaires sur ses mamelons, tandis que ses paumes bivouaquaient dans la vallée de ses seins. Elle sembla n’éprouver aucune gêne, pas même une répulsion momentanée devant ce corps imbibé de vodka allongé sur le sien. Elle se retourna. Sa petite tête se redressa. Son toupet de cheveux blonds lui donnait une bouille de clown. Ses lèvres effilées s’ouvrirent, dévoilèrent une luisance blanche, puis elle l’accueillit dans sa bouche, darda une dragée linguale, qui se dilata et fondit dans sa salinité. Leurs corps s’épousèrent. Ils échangèrent les goûts de merde de leurs haleines et de leurs œsophages respectifs, qui s’annulaient réciproquement au fur et à mesure de l’érosion salivaire de leurs muqueuses rainurées de cocaïne.
Ce fut brusque et brutal. Une poussée d’amour. L’une de ses grosses mains rejeta le drap froissé pour aller à sa motte ; l’autre alla à leurs bouches en succion, racla dans la bauge et déposa le produit prélevé dans sa jointure. Ses doigts plongèrent en elle. Sarah haleta, lui mordit la lèvre. Il l’enlaça ; elle avait un dos d’enfant, si petit qu’il pouvait pratiquement le contenir dans son empan. Il la plaqua contre lui. Elle essaya de s’agriffer à son dos, mais ses ongles glissaient sur la transpiration. « Ecarte les jambes ! » aboya-t-il dans sa bouche . « Ecarte les jambes ! » Il enfonça ses doigts plus profondément, élargit l’orifice, encercla son clitoris d’un mouvement tournant du pouce. Elle se débattit comme un animal pris au piège. Se débattit, se débattit. Il libéra sa main droite pour lui mettre deux doigts dans la bouche, puis trois, éprouver le tranchant de ses dents, la peau tendre de son gosier. Puis il lui barbouilla le front de ces trois doigts mouillés, attrapa une poignée de cheveux et les tira vers sa nuque pour la forcer à se cabrer, à s’exhiber tout entière, comme pour la dénuder deux fois.
Les mains de Sarah avaient trouvé son pénis. Il pantela, faillit éjaculer au premier contact. Elle le palpa alternativement sur le sommet et le pourtour, puis plus bas, saisit ses couilles, les berça, et plus bas encore, dans sa rigole, dans sa sueur, tâta et sonda son trou du cul. Tâta. Sonda.
Les doigts crochetés en elle, il prenait la mesure de son os pubien, étudiait la texture de sa membrane interne et croyait reconnaître au toucher la saveur salée qui sourdait maintenant d’elle. Elle avait les yeux révulsés, il n’en voyait que le blanc. Elle criait et, leurs bouches étant visées l’une à l’autre, ses cris résonnaient comme dans une grotte. L’écho se réverbérait dans sa tête, mais il ne voulait pas la lâcher, il continuait à l’embrasser, à la mâcher. Puis il se laissa descendre le long de son corps, goûta ses seins, ses hanches, le tortillon de son nombril, posa sa langue tout entière contre son ouverture mouillée, sentit le grain de son clitoris vibrer à la racine de sa langue, et se hissa de nouveau sur elle. Sarah tirait sur sa queue, ses mains étaient des remorqueurs dirigeant la masse énorme de son vaisseau phallique, qu’elle guidait vers le port. Il y avait tant d’urgence de part et d’autre, tant de volonté à s’accoupler que ce n’était même plus du désir, c’était un tropisme.

12 déc. 2009

J.G. Ballard

J.G. Ballard publie en 1969 La foire aux atrocités, un ouvrage expérimental, féroce et fantasmatique qui reprend des textes parus les années précédentes. L'extrait suivant est tiré de la section Projet pour l'assassinat de Jacqueline Kennedy, écrite en 1967 et publiée la première fois dans la revue anglaise Ambit.

J. G. Ballard donnait le conseil suivant aux lecteurs de ce livre : Au lieu de commencer chaque chapitre par son début (…), contentez-vous d’en tourner les pages jusqu’à ce qu’un paragraphe retienne votre attention ; si quelque idée ou quelque image vous y semble intéressante, balayez alors du regard les paragraphes voisins jusqu’à ce que vous y trouviez quelque chose qui résonne en vous de façon à piquer votre curiosité. Et bientôt, je l’espère, le rideau de brume se déchirera pour permettre au récit sous-jacent d’en émerger.



Fragments de bouches : dans la première étude on avait découpé les photographies des trois personnalités suivantes : Madame Chiang, Elizabeth Taylor, Jacqueline Kennedy. On demanda aux malades de remplir les parties manquantes. Les parties buccales favorisèrent une concentration particulièrement grande de refoulements, d’agressions et de fantasmes sexuels. Dans le test suivant on remit les bouches en place et on retira le reste des visages. Encore une fois, tout convergea vers les parties buccales. Celle de Madame Chiang et Jacqueline Kennedy jouèrent un rôle prépondérant. Ultérieurement on construisit une version « optimale » des bouches de Madame Chiang et Mrs Kennedy.

15 oct. 2009

Ian McEwan

Sous les draps et autres nouvelles est un recueil de nouvelles écrites par Ian McEwan et éditées à l'origine en Angleterre en deux ouvrages différents en 1975 et 1978. On y trouve Morte jouissance dont est tiré l'extrait ci-dessous, qui raconte la passion amoureuse d'un riche homme d'affaires pour un mannequin en plastique rencontré dans un grand magasin.

Ian Mc Ewan a obtenu de nombreux prix littéraires dont le fameux Booker Prize en 1998 et en France le Fémina étranger en 1993.


Je lui ai livré la teneur de mes pensées, alors que j’étais devant le feu de bois avec mon verre de porto. J’ai évoqué l’avenir, notre avenir commun. Je lui ai dit que je l’aimais, oui, je crois le lui avoir répété de nombreuses fois. Elle écoutait avec l’attention silencieuse que je devais apprendre à respecter en elle. Elle m’a caressé la main, elle a posé sur moi un regard émerveillé. Je l’ai déshabillée. La pauvre petite. Elle n’avait aucun vêtement sous son manteau, elle n’avait rien au monde que moi. J’ai vu la frayeur écarquiller ses yeux… elle était vierge. J’ai chuchoté à son oreille. Pour l’assurer de ma douceur, de mon savoir-faire, de mon contrôle. Entre ses cuisses, j’ai caressé avec ma langue la chaleur fétide de son désir vierge. Je lui ai pris la main, j’ai disposé ses doigts dociles autour de ma virilité palpitante (oh la fraîcheur de ses mains). « N’aie pas peur, murmurais-je, n’aie pas peur. » Silencieusement, facilement, je me suis introduit en elle, comme un vaisseau géant entre dans son port nocturne. L’éclair de souffrance que j’ai vu brûler dans ses yeux, les longs doigts agiles du plaisir l’ont vite éteint. Je n’ai jamais connu pareille jouissance, pareille entente parfaite…presque parfaite, car je dois l’avouer l’existence d’une ombre impossible à dissiper. De vierge qu’elle avait été, elle est devenue une partenaire exigeante. Elle réclamait un orgasme que j’étais incapable de lui donner, elle ne me lâchait plus, elle refusait de m’accorder le repos. Toute la nuit inlassablement, elle se tenait au bord du gouffre, du plongeon dans la plus douce des morts…mais rien de ce que je faisais, et j’ai tout fait, je lui ai tout donné, n’a pu la faire basculer.

25 sept. 2009

Adam Thirlwell

Adam Thirlwell a suscité la controverse pour avoir figurer à 24 ans sur la liste des 20 meilleurs écrivains anglais de moins de 40 ans établie par le magazine Granta en 2003 alors même que son premier roman n’était pas encore publié. Ce fut Politique sorti la même année. Il y est peu question de politique.


Voici un chapitre dans son intégralité :

L’évènement suivant de cette histoire est une pipe.
Je suppose que l’on peut considérer cela comme une bonne chose ou une mauvaise chose. Personnellement, je pense que c’était une bonne chose. Ce n’est pas parce que je pense que les pipes sont intrinsèquement une bonne chose. Bon, c’est vrai, je pense que les pipes sont une bonne chose, je suis rarement contre une pipe, mais ce n’est pas pour cela que je pense qu’une pipe avait sa place ici. J’ai une autre explication. Une grande partie de l’amour dépend du sexe. Il est difficile à l’amour de survivre sans sexe. De sorte qu’en fin de compte, s’ils doivent s’aimer vraiment, Nana et Moshe doivent en venir au sexe. Telle est ma théorie.
C’était aussi la théorie de Nana.
Et il y avait un autre motif caché derrière le comportement de Nana ce matin-là. Elle imaginait la procession infinie des maîtresses précédentes, très entraînées, de Moshe. Aucun doute là-dessus, elles étaient plus entraînées que Nana. Nana ne pouvait rivaliser avec les filles élancées du passé de Moshe. Contrairement à Nana, ces filles parfaites pouvaient marcher sur des talons de quinze centimètres de haut. Leurs poitrines étaient sans soutien-gorge et néanmoins fermes. À leurs membres rompus au yoga nulle position sexuelle n’était étrangère.
Cela devrait être une leçon pour nous tous. Les filles élancées du passé de Moshe. Je ne sais pas. C’est la conclusion d’une fille qui ne croyait pas en son pouvoir attractif. C’est la conclusion naturelle d’une fille qui ne s’enorgueillissait pas de son sex-appeal.
Si seulement les gens ne tiraient jamais de conclusions.
Nana avala de l’eau. Puis sa tête ensommeillée entreprit avec détermination la descente le long du champignon atomique noir des poils soyeux de la poitrine de Moshe, et le long de la ligne verticale moins nette de son nombril à son pubis, jusqu’à ce qu’elle atteigne son sexe. À ce moment, elle ouvrit ses lèvres incertaines enduites de baume et se fit très douce autour de Moshe. Moshe grandit, puis grandit… Il se réveilla de manière ensommeillée. Il sentit de la salive couler tiède puis froide autour de ses testicules. Cela lui procura une grande satisfaction.
Certains peuvent penser, et je le comprends, que l’exécution d’une fellation avant que l’accouplement n’ait eu lieu était contre les règles de l’étiquette sexuelle ordinaire. Cette pipe est une légère surprise, je l’admets. C’est presque une surprise pour moi. Mais l’étiquette sexuelle est variable. Elle doit s’adapter à la conjoncture – qui, dans ce cas, était caractérisée par l’inquiétude. Et dans les conjonctures sexuelles caractérisées par l’inquiétude, les gens ont souvent recours à des pratiques bien plus extrèmes qu’une tendre pipe. Une fellation préliminaire était en réalité bien insipide. Et Nana n’avait pas l’intention de faire à Moshe une pipe complète. Elle ne comptait pas aller jusqu’à l’orgasme. La pipe n’était qu’un avant-goût.
Nana essayait d’accélérer les choses. Dans cette conjoncture nerveuse, tous deux voulaient baiser. En réalité, en secret, ils voulaient avoir baisé. Tel était l’état de nervosité dans lequel ils se trouvaient. Au dessus d’elle, Moshe était nerveux. En dessous, Nana était nerveuse de le rendre nerveux.
La bouche de Nana remonta le long du sexe de Moshe et le quitta. Puis Nana se mit à quatre pattes au dessus de Moshe, et fit courir le bout de sa langue sur ses tétons platement grassouillets, rose sur rose. Et elle faisait preuve de grande bravoure, je trouve. C’est difficile – d’improviser en silence. Et Moshe lui dit : « Dismoi d’tebaiser. » Nana, l’œil concupiscent, se contenta de sourire. Il dit : « Dis-moi. »
Comme chacun sait, le sexe est un jeu de domination.
Nana regardait Moshe. Elle se demandait si Moshe n’allait pas trop vite. Mais comme elle voulait que son chéri rondouillard soit content aussi, elle dit : « Baise-moi. » Elle prononça : « Baizmoi. Baizmoooooi. »
Et alors, et alors, Moshe fut cochon. Il se mit à ralentir. Tel un pro, il se contenta d’insinuer un doigt, touchant son con là où elle était.
Elle en ferma les yeux de bonheur.

20 sept. 2009

Shakespeare

Voilà le commencement, à l'origine du nom du blog. L'idée en est venue à la suite du spectacle de Yves-Noël Genod montré à Gennevilliers en juin 2009. C'est la merveilleuse actrice Kate Moran qui jouait Venus et prononçait ce qui suit.

Extrait du poème Venus et Adonis de Shakespeare:

I'll be a park, and thou shalt be my deer
Feed where thou wilt, on mountain or in dale
Graze on my lips; and if those hills be dry
Stray lower, where the pleasant fountains lie.

avec la traduction de mon cru pour ceux qui ne comprennent pas le patois anglais:
Je serai ton parc et tu seras mon cerf
Broute où tu veux : sur monts ou en vallée
Viens paître sur mes lèvres ; et si ces collines sont sèches
Egare-toi plus bas, là où gisent les agréables fontaines