27 oct. 2016

Eric Reinhardt

Eric Reinhardt publie en 2014 son sixième roman L'amour et les forêts. Ce livre rencontre un grand succès éditorial. Il raconte l'histoire de Bénédicte Ombredanne, professeur de français harcelée par son mari. Le long passage suivant est tirée du chapitre où Bénédicte décide de réaliser un saut quantique et d'exercer sa liberté en délaissant mari et enfants pour partir à la rencontre de Christian, un homme trouvé sur internet.


Il la fit jouir avec sa langue, en lui laissant du temps et de l'espace, afin qu'elle puisse reprendre confiance en elle, lentement, en toute quiétude, sans astreinte d'aucune sorte.
Un grand portrait d'ecclésiastique, à l'huile, dense et sombre, datant du XVIIème siècle, surplombait, disposés sur une commode, un nu en bronze, des flacons de parfum, une pendule dont les aiguilles lui rappelaient les flèches qu'elle avait tirées, conclues chacune par un accent circonflexe acéré.
Elle passa sa langue sur les dents blanches de Christian, une à une, en le regardant dans les yeux avec de vives lueurs de joie, ce qui le fit sourire.
Il est déjà si tard ?
Pas encore, ne t'inquiète pas, elle ne marche plus, lui répondit Christian en la renversant de nouveau sur les draps.
L'ecclésiastique était ridé, sa peau était cireuse, l'œil minuscule qu'il opposait au monde était intimidant, c'était du haut d'un piédestal de désapprobation qu'il envisageait les humains qui croisaient son regard rectiligne, immensément pensif et réticent, sans indulgence.
Christian fut désolé d'avoir joui sur son ventre, abondamment, quatre ou cinq salves venues frapper sa peau marbrée, au terme de leur premier coït. Il s'excusa platement, il n'avait pas osé venir en elle, ne sachant pas si elle avait un moyen de contraception. Tu aurais pu, Christian, lui dit-elle. La prochaine fois, je voudrais que tu jouisses en moi.
Dans l'axe du lit, un miroir incliné, retenu au mur par une antique cordelette, permettait à Bénédicte Ombredanne de voir leur corps d'un peu loin, en plan large. La cordelette lui plaisait, elle donnait du recul aux visions que la glace saisissait, le recul du passé.
Elle osa, au démarrage de leur second rapport, prendre le sexe de Christian dans sa bouche, ce qu'elle n'avait jamais pratiqué avec son mari, celui-ci lui ayant dit, peu après leur rencontre qu'il n'aimait pas spécialement ça, qu'il préférait avec la main, de loin.
Il arrivait à Bénédicte Ombredanne de croiser le regard du prélat, ce qui avait pour effet de lui faire sentir à quel point elle était heureuse. La grande beauté de ce moment d'intimité, moment délictueux, méritait bien l'intervention d'un cardinal.
Le sexe de son mari, pointu, avait l'allure d'un animal sournois qui se faufile partout, fouine ou souris, rat, renard. A l'opposé, circoncis et gland massif, le sexe de son amant était franc, attendrissant et sympathique : il lui fit penser à un moine dans une chasuble informe, doté d'une tête énorme, portant la tonsure.
Elle entendait, provenant des arbres qui entouraient la maison, des oiseaux qui chantaient, c'était un poudroiement sonore continuel autour du lit et de leurs corps enchevêtrés.
Une odeur de bon petit plat montait jusqu'à la chambre, discrète, irréfutable, dont Bénédicte ne pouvait s'expliquer la provenance, n'ayant pas vu son amant aux fourneaux.
Après s'être excusé d'avoir souillé son ventre, Christian alla chercher dans la salle de bains attenante à la chambre un gant de toilette mouillé d'eau tiède et une serviette-éponge de couleur parme, parfumée, qu'il passa sur sa peau avec douceur la nettoyant délicatement.
Au contact de sa langue, surprise, le gland charnu se révéla divinement excitant, elle le sentait qui emplissait sa bouche comme un morceau de nourriture un peu trop gros. Christian poussait des soufflements spectaculaires, rauques, dont il semblait ne pas pouvoir maîtriser l'amplification à mesure que croissait son plaisir.

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