Roman labyrinthe publié en 1963, Marelle peut se lire dans l'ordre des chapitres ou dans un ordre différent proposé par l'auteur. C'est entre autres une histoire d'amour entre Horacio Oliveira et la Sybille.
Oliveira aimait faire l’amour avec la Sybille car il n’y avait rien de plus important pour elle, même si, d’une manière incompréhensible, elle restait comme en deçà de son plaisir, le rejoignant parfois, s’y accrochant, le prolongeant désespérément, c’était alors comme un éveil, comme apprendre son véritable nom, puis elle retombait dans une zone un peu crépusculaire qui enchantait Oliveira car il se méfiait des perfections, mais elle, elle souffrait véritablement quand elle revenait à ses souvenirs, tout ce à quoi, obscurément, elle aurait dû penser et ne pouvait penser, il fallait à ce moment-là, l’embrasser profond, l’appeler à de nouveaux jeux, alors l’autre, réconciliée, grandissait à nouveau sous lui et l’emportait, elle se donnait avec une frénésie de bête, les yeux perdus, les doigts crispés, mythique et atroce comme une statue roulant la pente d’une montagne, déchirant le temps de ses ongles, de ses sursauts et d’une plainte rauque qui n’en finissait pas. Une nuit, elle lui planta ses dents dans l’épaule et le mordit au sang parce qu’il se laissait aller de coté, un peu perdu déjà, il y eut alors entre eux un pacte silencieux et confus, Oliveira sentit que la Sybille attendait de lui la mort, un être obscur en elle réclamait l’anéantissement, la lente estocade sur le dos qui fait éclater les étoiles et rend l’espace aux interrogations et aux terreurs. Ce fut l’unique fois où, excentré de lui-même comme le matador pour qui tuer est rendre le taureau à la mer et la mer au soleil, il maltraita la Sybille, il la fit Pasiphaé, il la retourna et la prit comme un adolescent, il l’explora et exigea les servitudes de la plus triste putain, il l’éleva au rang de constellation, il la tint dans ses bras fleurant le sang, il lui fit boire la semence qui glisse dans la bouche comme un défi au Logos, il suça l’ombre de son ventre et de sa croupe et la remonta à son visage pour l’oindre d’elle-même en un acte ultime de connaissance que seul l’homme peut donner à la femme, il l’exaspéra à force de peau, de poils, de baves et de plaintes, il la vida jusqu’à la dernière goutte de sa force et la rejeta enfin sur l’oreiller, pleurant de bonheur contre son visage qu’une nouvelle cigarette rendait à la nuit de la chambre et de l’hôtel.
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