26 janv. 2010

Alina Reyes

Dans son premier roman, Le boucher, publié en 1988, Alina Reyes écrit une scène de déferlement orgasmique se déroulant dans une douche et réunissant une jeune étudiante et le boucher chez qui elle travaille comme caissière. C’est une référence volontaire à la célèbre scène de meurtre dans Psychose de Hitchcock.




Il s’agenouilla aussi, lécha sur mon visage les larmes de sperme. Il me lavait comme se lave un chat, avec application et tendresse.
Sa tête blanche et dodue, sa langue rose sur ma joue, ses yeux bleus délavés, la paupière lourde encore comme sous l’effet d’une drogue. Et son corps languissant et pesant, son corps de plénitude…
Un champ de pluies vert tendre dans le vent doux des branches… C’est l’automne, il pleut, je suis une petite fille, je marche dans le parc et la tête me tourne à cause des odeurs, de l’eau sur ma peau et sur mes habits, là-bas sur le banc je vois un gros monsieur qui me regarde, qui me regarde si fort que je fais pipi, toute debout, je marche et je fais pipi, c’est moi qui pleus tout chaud sur le parc, sur la terre, dans ma culotte, je pleus, je plais…
Il m’enleva ma robe, lentement.
Puis il m’étendit sur le carrelage chaud et, laissant toujours couler la douche, se mit à déposer des baisers sur tout mon corps. Ses mains puissantes me soulevaient et me tournaient avec une délicatesse extrême. Ni la dureté du sol ni la force de ses doigts ne me meurtrissaient.
Je me relâchai complètement. Et il me mit la pulpe de ses lèvres, l’humidité de sa langue au creux des bras, sous les seins, dans le cou, derrière les genoux, entre les fesses, il me mit sa bouche partout, d’un bout à l’autre du dos, à l’intérieur des jambes, jusqu’à la racine des cheveux.
Il me posa sur le dos, par terre sur les petits carreaux chauds et glissants, souleva mes reins des deux mains, les doigts fermement plaqués dans le creux, jusqu’à la colonne vertébrale, les pouces sur le ventre ; il mit mes jambes sur ses épaules, et porta sa langue à ma vulve. Je me cambrai brusquement. L’eau de la douche me frappait des milliers de fois, tout doucement, sur le ventre et les seins. Il me léchait du vagin au clitoris, régulièrement, la bouche collée aux grandes lèvres. Mon sexe devint une surface ravinée d’où ruisselait le plaisir, le monde disparut, je n’étais plus que cette chair à vif, d’où giclèrent bientôt de gigantesques cascades, les unes après les autres, continuellement, l’une après l’autre, infiniment.
Enfin, la tension faiblit, mes fesses retombèrent sur ses bras, je récupérai peu à peu, sentis l’eau sur mon ventre, vis à nouveau la douche, et lui, et moi.

2 commentaires:

  1. Quelle magnifique évocation, on part en même temps que l'héroïne. Comment ne peut-on pas avoir envie après une telle lecture.

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  2. J'ai choisi cet extrait en pensant à vous, connaissant votre propre centre d'intérêt en matière de languistique. Car un peu plus loin dans le livre, les rôles sont intervertis.

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