24 nov. 2009

Zeruya Shalev

Dans La vie amoureuse, roman publié en 1997, Zeruya Shalev raconte la passion incompréhensible de Ya’ara, la narratrice, pour Arieh, homme manipulateur et pervers.




… j’avais l’impression que mes forces décuplaient, je me sentais capable de lécher sa peau mate et parfumée de la tête aux pieds, et je m’y employai, il me semblait que j’allais rassembler les morceaux épars, comme s’il était une découverte archéologique rare dont j’avais retrouvé les pièces que je devais recoller avec ma salive, j’étais curieuse de découvrir ce qui allait en sortir mais je ne devais pas ouvrir les yeux avant d’avoir fini. Immobile, telle une statue, il fumait en silence, je l’entendais rire de loin en loin, petit à petit, je reconstituai ses jambes fines, son superbe pénis qui s’étira entre ses cuisses comme après un long somme, et je poursuivis plus haut, je n’avais presque plus de salive mais je persévérai, je ne voulais pas m’interrompre au milieu et le laisser sans la tête ni les épaules. Quand j’eus terminé, je contemplai mon œuvre avec orgueil, le résultat était remarquable, un homme entièrement recréé, harmonieusement proportionné, je me demandai si Dieu avait éprouvé les mêmes sentiments à la création d’Adam, c’était enivrant d’avoir quelque chose en commun avec Dieu, en même temps, ça me brûlai en bas, je lui pris la main, regarde comme c’est chaud, un vrai four, il eut un air faussement inquiet en commençant à me déshabiller, c’est dangereux la température doit baisser, il prit un cube de glace qui flottait dans son verre, le mit dans sa bouche et l’introduisit tout doucement à l’intérieur, liquéfiée de plaisir, je le sentais se dissoudre en moi, j’exultai, j’ai enfin réussi à te faire fondre, mon amour, j’ai enfin réussi à te faire fondre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire