9 déc. 2009

Richard Powers

La chambre aux échos, publié en 2006, raconte l'histoire de Mark, dont le cerveau est endommagé après un accident de la route ; il retrouve progressivement ses capacités tout en restant persuadé que sa soeur Karin a été remplacée par une autre femme. Richard Powers a obtenu le prestigieux National Book Award pour ce livre.




Fin mars, les jours rallongeant, elle avait emmené son frère accomplir l’une de ses premières sorties en extérieur. Ils déambulaient dans le parc de l’hôpital tandis que Marc concentrait toute son attention sur un objet impénétrable. Autour d’eux, les premiers insectes printaniers emplissaient l’air de leur bourdonnement. L’aconit d’hiver disparaissait déjà, tandis que crocus et jonquilles pointaient sous les derniers monticules de neige. Une oie à front blanc passa dans le ciel. Mark renversa le cou. Il ne put voir l’oiseau mais, lorsque Mark baissa la tête, un souvenir rayonnait sur son visage. Un sourire plus franc qu’elle ne lui en avait jamais vu depuis la mort de leur père fit irruption sur ses lèvres. La bouche était ouverte, prête pour le mot « oie ». Karin l’encourageait du regard et des mains.
« O-O-O-ordure. Saloperie. Sale pute de merde. Suce ta chatte pourrie tu l’as dans le cul »
Il souriait fièrement. Estomaquée, elle s’écarta, et le visage de Mark s’assombrit. Elle repoussa l’assaut des larmes, reprit son frère par le bras, et, feignant le calme, le remit dans la direction du bâtiment. « C’est une oie, Mark. Tu te souviens des oies ? Toi aussi, tu en es une belle, et bien sotte, tu le sais ?
- Merde pute bite » scandait-il, concentré sur ses pieds paresseux.
C’était le traumatisme, non son frère. Rien que des sons : des choses dépourvues de sens, des choses enfouies, que la blessure faisait remonter.

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