Appels téléphoniques est un recueil de 14 nouvelles écrit par Roberto Bolaño et publié en 1997. Voici un extrait tiré de la nouvelle Joanna Silvestri. Une femme agonisante, ancienne actrice porno, se souvient se son amour pour Jack , acteur lui aussi et malade du Sida.
En France, la plupart de ses oeuvres ont été publiées après sa mort en 2003.
Un jour à midi, Jack a fait son apparition sur les lieux du tournage. J’étais à quatre pattes et je suçais Bull Edwards, pendant que Shane Bogart me sodomisait. Au début je ne me suis pas rendu compte que Jack se trouvait sur le plateau, j’étais concentrée sur ce que je faisais, ce n’est pas facile de gémir avec une queue de vingt centimètres qui entre et qui sort de votre bouche, des filles très photogéniques deviennent hideuses à faire peur dès qu’elles se mettent à sucer une queue, elles sont affreuses, peut-être trop appliquées, moi j’aime que mon visage soit beau à voir. Bon, j’étais concentrée sur le travail et de plus, à cause de ma position, je ne pouvais pas voir ce qui se passait autour, alors que Bull et Shane, qui étaient à genoux mais le buste relevé, eux se sont aperçus que Jack venait d’entrer et les verges ont presque instantanément durci, et pas seulement Bull et Shane, mais le réalisateur, Randy Cash et Danny Lo Bello et sa femme, et Robbie et Ronnie, et les électriciens et tout le monde, je crois, sauf le cameraman, qui s’appelait Jacinto Ventura et qui était un type très drôle et très professionnel, et qui de plus ne pouvait littéralement pas quitter des yeux la scène qu’il était en train de filmer, tous, ai-je dit, réagirent d’une manière ou d’une autre à la présence inespérée de Jack et il s’est fait alors un silence sur le plateau, non pas un silence lourd, non pas un silence annonciateur de mauvaises nouvelles, mais un silence lumineux, oui, je peux l’appeler comme ça, un silence d’eau tombant au ralenti, et j’ai senti ce silence et j’ai pensé que ce devait être parce que je me sentais bien, parce que c’étaient de beaux jours en Californie, mais j’en senti aussi quelque chose de plus, quelque chose d’indéchiffrable qui s’approchait précédé par les coups rythmique des hanches de Shane sur mes fesses, par les doux chocs de Bull sur mes lèvres, et j’ai su alors qu’il arrivait quelque chose sur le plateau, mais je n’ai pas levé les yeux, et j’ai su aussi qu’il arrivait quelque chose qui m’incluait et ne touchait que moi, comme si la réalité s’était fêlée, une fêlure qui la parcourait d’une extrémité à l’autre, semblable à la cicatrice que laissent certaines opérations, qui va du cou jusqu’à l’aine, une cicatrice boursouflée, rugueuse, dure, mais j’ai tenu bon et j’ai continué ma scène jusqu’au moment où Shane a retiré sa verge de mon cul et a déchargé sur mes fesses et où Bull peu après l’a suivi et a éjaculé sur mon visage.
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