10 mars 2010

Pierre Bourgeade

Un an après sa disparition, voici un hommage à Pierre Bourgeade, l’héritier de Bataille dont l’œuvre tourne souvent autour de l’érotisme et de la mort. Le texte suivant est extrait de Warum, roman publié en 1999.


Le surlendemain, nous retrouvâmes Eva à la pâtisserie du Trocadéro. Après avoir pris le thé, nous nous rendîmes dans un petit hôtel de la rue Saint-Didier, la Résidence des Fleurs, qui louait des chambres à l’heure. Les chambres n’étaient pas numérotées, elles portaient des noms de fleurs inscrits sur de petites plaques émaillées. Il y avait les lilas, les bleuets, les myosotis, les violettes, etc.,… et elles étaient entièrement tapissées, plafond compris, d’un tissu représentant ces fleurs. On nous donna la chambre des hortensias bleus, nous eûmes l’impression de pénétrer dans une boîte géante remplie d’hortensias. Je commandai une bouteille de champagne. Eva enleva son trench-coat, s’allongea sur le lit et attendit. Elle portait sa longue robe de coton rêche, sans ceinture, dans les tons grèges. Elle avait le visage très blanc, les paupières noirs de fard, les yeux allongés d’un trait de crayon jusqu’aux oreilles. Lucienne s’assit à côté d’elle, déboutonna la robe, sous laquelle Eva était nue. Lucienne se pencha, embrassa les seins, descendit, embrassa le ventre. Eva écarta les cuisses. Je m’assis à hauteur de son visage, essayant de lui faire mettre le nez dans ma braguette, mais elle détourna la tête. Je ne bandai pas. Je glissai la main dans les cheveux de Lucienne, lui grattai le crâne. Lucienne suçait avec fougue, ahanant. Je regardai les cloisons d’hortensias bleus, le plafond d’hortensias bleus, les rideaux d’hortensias bleus, puis je pensai que nous étions des nains déguisés en hortensias bleus occupés à donner un spectacle hard dans un bocal plein d’hortensias bleus pour un Dieu solitaire dont l’œil nous voyait, caché dans l’un des hortensias bleus du plafond. Eva poussa un petit cri. «Tu me mords!» Lucienne releva le visage, bouffi de plaisir. «Tu es trempée comme une soupe» dit-elle. Du revers de la main, elle s’essuya la bouche. Eva regarda sa montre. «Il faut que je parte, j’ai un rendez-vous.» Elle se leva, passa dans la salle de bains. Cinq minutes après, elle réapparut, passa son trench-coat. «Mercredi prochain, à la même heure?» demandai-je, d’une voix croassante tellement j’avais peur qu’Eva répondît «Je ne sais pas». Mais elle répondit simplement «OK». Elle fit un petit signe de la main à Lucienne et sortit. «Pas mal» dit Lucienne. Puis, se tournant vers moi: «Tu veux que je te suce?» «Au point où on en est…» J’ôtai mon pantalon et mon slip et je me rassis sur le bord du lit. Lucienne approchait, à quatre pattes. Elle ouvrit son chemisier et, de la main droite, fit sortir ses seins de son soutien-gorge. «Tu crois que le Bon Dieu te voit?» demandai-je. «C’est lui qui m’a faite, non?»
Peu après, je m’endormis.

2 commentaires:

  1. je suis heureux de découvrir ce texte de warum , je ne connaissais de pierre bourgeade que son dernier livre erotique eloge des fetichistes

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  2. c'est un auteur prolifique qui mérite d'être découvert

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