15 janv. 2011

Jerzy Andrzejewski

En 1979, l'écrivain polonais Jerzy Andrzejewski publie clandestinement dans son pays le roman La pulpe, oeuvre imposante et complexe mêlant récit, journal personnel et pièce de théâtre. Dans l'extrait présenté, le docteur Ksawery Panek s'entretient avec Madame Kuran, qui déplore les frasques alcooliques de son fils Marek.


A cet instant s'est cristallisée en Ksawery la certitude qui le tourmentait confusément comme un insaisissable stryge depuis la première nuit, la nuit du mardi au mercredi (après le récital d'Halina Ferens-Czaplicka), où Marek n'est pas rentré à la maison, la certitude qu'étant tombé sur des amis de rencontre dans quelque bar il s'est abandonné en leur compagnie à un ballet de quelques jours. Et comme il possède une imagination sensible, aussitôt se sont mis à tourbillonner devant lui, à une distance d'un bras à peine et même plus près encore, toutes sortes de configurations érotiques dans lesquelles, de l'enchevêtrement effréné de membres hermaphrodites, de poitrines, de ventres, de lèvres humides et ouvertes et de cuisses licencieusement écartées ou levées comme des ailes et d'organes génitaux tumescents couverts de sueur et de salive, les sortilèges les plus agités et les plus audacieux devenaient l'apanage de Marek, de ses yeux louchant avec inquiétude mais impudence aussi, de ses yeux ombrés par les cils féminins et de son corps juvénile s'offrant avec zèle à toutes sortes d'assauts dont il était aussi instantanément avide. Assailli par cette vision importune, il a sorti un mouchoir de la poche de pantalon de velours, s'est essuyé le front et les mains et a dit :
- Je sais bien Marek a bon coeur.

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