28 nov. 2010

Salman Rushdie

Salman Rushdie célèbre pour avoir obtenir le Booker Prize en 1981 et pour s'être attiré la sympathie éternelle des ayatollahs iraniens grâce à ses versets sataniques, publie Furie en 2001 dont la traduction française est l'oeuvre de Claro. Il est difficile de résumer ce roman déroutant qui raconte l'histoire du professeur Malik Solanka et notamment ses relations avec ses compagnes successives, parmi celles-ci la magnifique Mila Milo, une Serbe victime d'inceste dans sa jeunesse.


Dans cet espace ensorcelé, lors des visites de Mila, un silence quasi absolu était de rigueur. On entendait des murmures, des chuchotements, mais c'est tout. Toutefois, dans le quart d'heure qui précédait son départ, une fois qu'elle avait sauté à bas de ses genoux, s'était lissée la jupe et leur avait servi à tous deux un verre de jus de canneberge ou une tasse de thé vert, pendant qu'elle rajustait sa tenue pour le monde extérieur, Solanka pouvait lui faire part, s'il le voulait, de ses hypothèses concernant ce pays dont il s'efforçait de déchiffrer les codes.
Par exemple, la théorie encore inédite du professeur Solanka sur les différentes attitudes vis-à-vis de la fellation aux Etats-Unis et en Angleterre (cette antienne étant provoquée par la décision absurde du Président de présenter des excuses pour avoir commis un acte qui - c'est ce qu'il aurait dû déclarer sèchement - ne regardait que lui) reçut toute l'attention de la jeune femme.
« En Angleterre, expliqua-t-il dans un style très collet monté, la fellation entre partenaires hétérosexuels n'est jamais pratiqué avant que la pénétration coïtale ait eu lieu, ou même jamais. Elle est considérée comme un témoignage de profonde intimité. Et aussi comme une récompense sexuelle suite à un bon comportement. C'est rare. Alors qu'en Amérique, avec votre tradition bien établie de "tripotage" adolescent sur la banquette arrière de diverses automobiles iconiques, « faire une pipe », pour employer le terme technique, précède le rapport sexuel en position du missionnaire la plupart du temps ; de fait, c'est le moyen le plus courant chez les jeunes femmes de préserver leur virginité tout en satisfaisant leurs galants.»
« Bref c'est une alternative à la baise. Ainsi, quand Clinton affirme qu'il n'a jamais couché avec cette bécasse in, Monica, la bovine Miss L., tout le monde en Angleterre pense qu'il ment comme un arracheur de dents, alors que toute la population ado (et aussi pré- et post-ado) américaine comprend qu'il dit la vérité, telle que la définissent culturellement les Etats-Unis. Paradoxalement, la fellation n'a rien à voir avec le sexe. C'est ce qui permet aux jeunes filles de rentrer chez elles et d'affirmer à leurs parents, le coeur sur la main - et bon sang, c'est ce qui t'a sûrement permis de le dire toi aussi à ton père - qu'il ne s'est rien passé. Voilà pourquoi Bite Clinton ne fait que répéter  ce que n'importe quel ado viril américain aurait dit. Immaturité ? Ouais, sûrement, mais c'est pour ça que la mise en accusation du Président a échoué.
- Je vois ce que tu veux dire », opina Mila Milo quand il eut terminé.
Elle revint près de lui et, dans une accélération inattendue et irrésistible de leur train-train de fin d'après-midi, ôta le coussin de velours rouge qui protégeait sa vulnérabilité.

1 commentaire:

  1. Je découvre que la question d'Ardisson à Rocard avait un fond littéraire.

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