26 janv. 2015

Antoine Volodine

Après quelques siècles passés à rédiger des notices d'utilisation d'appareils ménagers, des poèmes diphoniques en langues samoyèdes et des traités de paix pour conflits de basse intensité, Antoine Volodine s'est lancé dans l'écriture de romans. Le dernier, Terminus radieux, publié en 2014 et écrit sous influence chamanique, a reçu le prix Médicis.


Le plus jeune s'éloigne du feu et vient la retrouver. Elle l'exècre  plus que les autres car maintenant que les viols ont pris un caractère non collectif il lui arrive, au lieu de tout de suite la pénétrer par le vagin, de s'accroupir au-dessus de sa tête, de lui frapper et de lui frotter le visage avec sa queue immonde et d'introduire cette queue entre ses lèvres en grognant des insanités obscènes. Or, ce soir-là, après lui avoir désentravé les chevilles, et sans doute parce qu'il obéit à une suggestion télépathique de l'oiseau, il se met, tout en lui faisant part de ses souhaits, à dénouer la corde qui lui immobilisait les poignets. Il l'insulte et, en même temps, il la supplie grossièrement de faire le rut avec entrain, pour changer. Pas comme une masse inerte. Plus comme une fille qui aime le sexe.

A droite, au dessus, dit l'oiseau.

Elle n'a eu aucune réaction jusque-là, se contentant de respirer le moins possible afin de ne pas recevoir l'haleine épouvantable du jeune violeur. Elle gémit une sorte d'approbation, un début de mot que le violeur interprète comme une approbation pâteuse, et elle se met lentement debout, donnant l'impression qu'elle réfléchit à une manière de le satisfaire, et, quand elle est plantée en face de lui, elle attend que l'oiseau lui donne des ordres.

Lève le bras comme pour amorcer une accolade, conseille l'oiseau.

Enivré par la demande qu'il a faite, le violeur ne soupçonne rien. L'oiseau l'incite à se détendre, et même à fermer les yeux pour accueillir la surprise qui l'attend; De toute façon, les ténèbres sont épaisses, et les flammes de feu de camp n'éclairent que très, très médiocrement la scène.

Le manche de l'écorçoir, reprend l'oiseau en s'adressant à Myriam Oumarik. Un peu plus à droite encore.

Myriam Oumarik tâtonne pendant une seconde.

Maintenant, ordonne l'oiseau.

Myriam Oumarik retire l'écorçoir de l'endroit où il se trouve, en effet facilement accessible et retenu par rien, et elle en promène horizontalement la lame entre les épaules du violeur, à la base du cou. Juste sous le larynx, comme on le lui dit.

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