28 sept. 2012

John Burnside

 L'écrivain écossais John Burnside publie en 2008 Scintillation. Dans un paysage de friche industrielle imprégnée de poison toxique, l'écrivain développe un récit noir de disparitions d'adolescents au milieu duquel le jeune Léonard se distingue par son appétit de vivre, comme le montre l'extrait ci-dessous.


 Elle est jolie, ça c'est sûr.
- Bon, elle dit. Qu'est-ce que ce sera ?
Je ne réponds pas. Peut-être qu'en cet instant précis je suis amoureux. Sentimentalement je veux dire.
- Je te sucerai, si tu veux, elle dit.
Je suis un peu décontenancé par sa remarque, mais je m'efforce de ne pas le laisser voir. Ou pas trop;
- Ah ouais ? je dis, en tâchant d'avoir l'air détaché.
- Exactement, elle dit.
- Quand ça ?
Je sens un grand vide à l'intérieur de moi, comme si quelqu'un venait de me retirer les entrailles.
- Maintenant, elle dit.
- Où ça ?
- On peut aller dehors, elle dit. Derrière la bibliothèque. Elle regarde du côté de John, qui fait mine de ranger des livres dans le rayon Décoration d'intérieur, mais qui en réalité nous observe.
- Là où John va fumer ses joints, elle dit, juste assez fort pour qu'il entende.
Elle est maintenant quasi sûre de me tenir, et elle me tient, mais pas pour la raison qu'elle croit. Elle croit que je ne me suis encore jamais fait sucer, et pourtant si. Une vieille femme m'a arrêté une fois que j'avais pris la West Side Road en direction de la plage. Elle était en voiture et s'est rangée juste à côté de moi pour me demander si je voulais faire un petit tour. Je ne l'avais jamais vue, ni elle ni sa voiture, chose surprenante étant donné qu'on ne croise guère de touristes sur la West Side Road. Je lui ai donc demandé ce qu'elle entendait par là et elle a répondu qu'elle me donnerait un billet de dix si je la laissais me sucer.
Franchement, je ne savais pas trop. Elle était plutôt vieille, et pas belle du tout; d'ailleurs elle avait davantage l'air d'un mec que d'une femme, avec des tonnes de maquillage et du rouge à lèvres foncé. Mais bon, je me suis dit que dix livres c'est dix livres. Alors je suis monté dans la voiture et elle m'a conduit jusqu'à la plage, où j'allais de toute façon. Ça n'a pas duré très longtemps, et elle a eu l'air assez contente. Elle m'a dit que j'étais un gentil garçon et elle m'a donné les dix livres.

1 commentaire:

  1. Ca me rappelle une rencontre dans Paris, je n'étais pas rentré dans la voiture. Je ne sais pas si cette pratique a lieu dans toutes les villes.

    RépondreSupprimer