27 mai 2012

Tarun Tejpal

L'incisif journaliste indien d'investigation Tarun Tejpal a écrit deux romans. Le premier Loin de Chandigarh fut publié en 2005. Ce livre mêle deux histoires : d'une part celle de la passion entre un journaliste et sa compagne , d'autre part celle d'une Américaine partie en Inde par amour. Ce livre ambitieux est aussi l'occasion d'évoquer l'histoire de l'Inde et les affres de la création littéraire.

                                                                  (pour Waid)

 Très souvent, je l'appuyais contre la fenêtre de la salle à manger et, tombant à genoux derrière elle, posais ses lèvres sur sa cheville et entamais un voyage familier.
Je prenais la petite boule dure de sa cheville dans ma bouche et la tétais si complètement qu'elle acquérait une dimension profondément érotique. Puis je bourlinguais jusqu'à la promesse de ses mollets charnus et les suçais si pleinement qu'ils devenaient des organes sexuels. Ensuite je contournais le tibia et escaladais le dôme de son genou, faisant halte au sommet, bouche ouverte et lèvres mouvantes. Je redescendais sur l'autre versant et virais vers l'arrière, laissant couler ma langue à plat sur la route lisse à l'intérieur de sa cuisse, le regard fixé sur la ligne sombre du dernier mont. Je voyageais ainsi lentement, cherchant la source du musc; plus je m'en approchais, plus la chair croissait, plus le musc grandissait, et plus mon contrôle vacillait. De bouche, je devenais nez. De pourvoyeur de plaisir je devenais quémandeur. Fenêtre après fenêtre, mon esprit rationnel s'obturait. Raison, intellect, analyse, perception, parole, tout disparaissait, un à un.
J'étais un animal préhistorique, à quatre pattes, rôdant en quête d'une trace, d'un lieu secret.
Hors des limites de la civilisation.
Un animal à qui l'on ne pouvait plus refuser l'entrée.
Et quand j'avais bu à la source, longtemps et intensément, je n'étais plus qu'une tumescence. Je me redressais derrière elle, trouvant appui sur ses hanches, et tandis qu'elle contemplait les pentes verdoyantes qui descendaient vers les plaines étouffantes, j'entamais la plus ancienne des danses. Le vent emportait ses gémissements dans tous les recoins du sous-continent.

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