12 déc. 2010

Armistead Maupin

En 1976, les chroniques d'Armistead Maupin publiées dans un journal de San Francisco connurent un tel succès qu'elle furent réunies deux ans plus tard sous forme d'un premier roman : Chroniques de San Francisco. Elles restituent l'ambiance si particulière de la ville dans les années 70. L'extrait suivant nous présente Mary Ann, devenue bénévole dans un centre d'écoute pour désespérés et collègue d'un dénommé Vincent, artiste déprimé à qui il manque un morceau d'oreille.


Laissant le téléphone sonner, Mary Ann martelait la porte de la salle de bains.
- Vincent, écoute-moi bien. La situation n'est jamais aussi catastrophique qu'on le croit ! Vincent, tu m'entends?
Elle fit un rapide inventaire des objets de la petite armoire au-dessus de l'évier. Y-avait-il des ciseaux? Des couteaux? Des lames de rasoir?
DRRRINNNGGGG !
- Vincent ! Je dois aller répondre au téléphone ! Mais dis quelque chose ! Vincent, pour l'amour de Dieu !
DRRRINNNGGGG !
- Vincent, tu es un enfant de l'univers ! Tout autant que les arbres et les étoiles ! Vincent,tu as le droit d'exister. Et que tu le... que tu le... Enfin, aujourd'hui est la première journée du reste de ta vie.
Elle se sentit submergée par des vagues de nausée. Elle se précipita vers le téléphone.
- Allo, S.O.S. - Ecoute San Francisco, dit-elle, essoufflée.
La voix au bout du fil parlait sur un ton aigu et asthmatique, comme une créature de Disney devenue sénile.
- Qui êtes-vous?
- Euh... Mary Ann Singleton.
- Vous êtes nouvelle.
- Monsieur, est-ce que vous pourriez patienter une...?
- Où est Rebecca? Je parle toujours à Rebecca.
Elle recouvrit le combiné de sa main.
- Vincent !
Silence.
- VINCENT !
Une réponse étrangement faible lui parvint :
- Quoi ?
- Vincent, ça va?
- Oui.
- J'ai quelqu'un ici qui veut parler à une certaine Rebecca.
- Dis-lui que tu es la remplaçante de Rebecca.
Mary-Ann parla dans le téléphone.
- Je suis la remplaçante de Rebecca, monsieur.
- Menteuse !
- Je ne comprends pas, monsieur...
- Arrêtez de m'appeler "monsieur" ! Quel âge avez-vous?
- Vingt-cinq ans.
- Qu'est ce que vous avez fait à Rebecca ?
- Ecoutez, je ne connais même pas Rebecca !
- Ah bon ?
- Non.
- Tu veux me sucer la bite ?

2 commentaires:

  1. Et à votre avis, qu'elle est donc ici cette allusion comique à Van Gogh ?

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  2. Je pense qu'il s'agit juste d'une fantaisie de Maupin; Je ne connais pas en détail la vie de Van Gogh mais à ma connaissance il n'a jamais travaillé dans un centre d'appels pour déprimés! Mais il semble qu'il savait manier le rasoir et qu'il était donc sage de ne pas laisser seul trop longtemps avec un tel outil.

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