Pour son roman A la recherche de Klingsor, publié en 1999, Jorge Volpi a reçu le prix Biblioteca Breve attribué avant lui à Vargas Llosa et Carlos Fuentes, également honorés en ces lieux. La deuxième guerre mondiale et les années d'après-guerre forment le décor de ce roman. Dans l'extrait suivant, le jeune physicien Francis Bacon installé à Princeton avec les plus grands génies de l'époque ne peut résister aux charmes de Vivien, une noire, modeste vendeuse de journaux.
Quand elle s'était dévêtue, Bacon la faisait s'allonger sur le ventre, allumait toutes les lampes et contemplait sans broncher pendant quelques minutes le contraste des couleurs. Ensuite, il se penchait sur elle et l'embrassait sans se lasser : sa langue courait sur les formes pleines et gagnait tout doucement le creux des reins, où elle s'attardait jusqu'à ce qu'elle eût laissé un lac de salive au fond de cette haute vallée de chair. Ses lèvres sentaient à chaque instant la perfection des ellipses dont il ne pouvait découvrir les fonctions. Pour finir, il la changeait de position, comme si elle n'était qu'une poupée articulée. Alors et seulement alors, il se dévêtait à son tour. Il ouvrait délicatement les cuisses de Vivien en s'imaginant qu'il s'agissait de deux coulures de lave ardente et il enfouissait son visage dans le sexe moite et impavide. Ce préambule était une sorte d'axiome duquel découlait chaque fois un théorème différent. Selon la capacité analytique qu'il déployait, l'un pouvait le conduire aux petits pieds sales de Vivien, l'autre à ses mamelons ou encore à ses sourcils, à son nombril ; plus que forniquer avec elle, il étudiait d'une même traite ces possibilités et les formes que pouvait prendre son propre plaisir. L'orgasme n'était que la conséquence nécessaire des calculs dans lesquels il se lançait en début de partie.
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