15 nov. 2015

Pierre Lemaitre

Pierre Lemaitre a obtenu la consécration littéraire en recevant le prix Goncourt en 2013. Auparavant, il s'était distingué avec talent dans l'art du thriller. Il a publié en 2009 un roman haletant Robe de marié. Il y raconte l'histoire de Sophie, une jeune femme qui devient peu à peu folle, amnésique et criminelle. Dans sa fuite dans la clandestinité, elle exerce des petits boulots et croise la route d'un petit chef sans scrupules


- Tu viens chercher ton avance ? demande-t-il d'une voix très basse. C'est combien déjà ?
- Mille
- Ça doit pouvoir se faire..., dit-il en lui saisissant la main droite et en la portant à nouveau sur sa braguette.
Et ça se fait, effectivement. Comment ? Sophie ne se rappelle plus très bien, maintenant. Il a dit quelque chose comme : "On s'est compris, hein ?" Sophie a dû faire signe que oui, qu'ils s'étaient compris. En fait, elle n'écoutait pas vraiment, c'était comme une sorte de vertige en elle, quelque chose qui venait du fond d'elle mais qui laissait la tête toute vide. Elle aurait aussi bien pu tomber, là, de tout son poids et disparaître, fondre, s'évanouir dans le sol. Il a dû poser ses mains sur ses épaules et il a appuyé, assez fort, et Sophie s'est sentie glisser à genoux devant lui, ça non plus, elle ne sait plus vraiment. Après, elle a vu son sexe dressé s'enfoncer dans sa bouche. Elle a serré, elle ne se rappelle plus ce qu'elle faisait de ses mains. Non, ses mains ne bougeaient pas, elle n'était plus que sa bouche, simplement fermée sur la queue de ce type. Qu'est-ce qu'elle a fait ? Rien, elle n'a rien fait, elle a laissé l'homme aller et venir dans sa bouche un long moment. Un long moment ? Peut-être pas. Le temps, c'est difficile à évaluer... Ça finit toujours par passer. Si, ça elle s'en souvient : il s'est énervé. Sans doute parce qu'elle n'était pas assez active, il est entré brusquement jusqu'au fond de sa gorge, elle a reculé la tête et s'est cognée contre la porte. Il a dû prendre sa tête entre ses mains, oui, sûrement, parce que ses mouvements de hanche sont devenus plus courts, plus fiévreux. Si, autre chose, il a dit : "Serre, bordel !" En colère. Elle a serré, Sophie, elle a fait comme il fallait. Oui, elle a serré ses lèvres plus fort. Elle fermait les yeux, elle ne se souvient pas vraiment. Après...? Après rien, presque rien. La queue de ce type s'est immobilisée une seconde, il a poussé un grognement rauque, elle a senti son sperme dans sa bouche, c'était très épais, âcre, fortement javellisé, elle a laissé venir tout ça dans sa bouche, comme ça, avec ses mains elle s'essuyait les yeux, c'est tout. Elle a attendu et puis à la fin, quand il a reculé, elle a craché par terre, une fois, deux fois, quand il a vu ça, il a dit : "Salope !", oui, c'est ça qu'il a dit, Sophie a recraché une fois encore en se retenant d'une main contre le sol en ciment. Et puis, quoi... il était là de nouveau devant elle, avec un air furieux. Elle était toujours dans la même position, elle avait mal aux genoux alors elle s'est relevée mais c'était très difficile de se remettre debout. Quand elle a été debout, elle s'est rendue compte pour la première fois qu'il était moins grand qu'elle le pensait. Il avait du mal à rentrer sa queue dans son pantalon, il avait l'air de ne pas savoir comment s'y prendre et se tortillait les hanches. Après quoi il s'est retourné, il est allé à son bureau puis il a lui a fourré les billets dans la main. Il regardait au sol tout ce que Sophie avait recraché, il a dit : "Allez, casse-toi..."

10 nov. 2015

John Giorno

L'exposition du Palais de Tokyo à Paris consacrée actuellement au poète américain John Giorno est l'occasion de lui rendre hommage et de le faire rentrer dans ce blog. En 1968, John Giorno, juché sur des rollers, distribue aux passants de Manhattan quelques uns de ses poèmes, formant ainsi la série des Street Works. Parmi ceux-ci le Pornographic Poem, écrit en 1966, présenté, une fois n'est pas coutume, dans sa version originale en anglais.


Seven Cuban
army officers
in exile
were at me
all night.
Tall,
sleek,
slender
Spanish types
with smooth dark
muscular bodies
and hair
like wet coal
in their heads
and between their legs.
I lost count
of the times
I was fucked
by them
in every conceivable
position.
At one point
they stood
around me
in a circle
and I had
to crawl
from one crotch
to another
sucking
on each cock
until it was hard.
When I got all seven up
I shivered
looking up
at those erect pricks
all different lengths
and widths
and knowing
that each one
was going up
my ass hole.
Everyone
of them
came
at least twice
and some three times.
Once they put me
on the bed
kneeling,
one fucked me
in the behind,
another in the mouth,
while I jacked off
one
with each hand
and two
of the others
rubbed
their peckers
on my bare feet
waiting
their turns
to get
into my can.
Just when I thought
they were all spent
two of them
got together
and fucked me
at once.
The positions
we were in
were crazy
but with two
big fat
Cuban cocks
up my ass
at one time
I was
in paradise.