29 janv. 2011

Manuel Vazquez Montalban

Manuel Vazquez Montalban est connu pour ses romans mettant en scène le détective gastronome Pepe Carvalho. Les premiers livres de la série écrits dans les années 70 donnent l'image d'une Espagne quittant le franquisme pour entrer sur le chemin de la movida. Parmi eux : Les mers du sud, publié en 1979 et lauréat du prix Planeta, le Goncourt espagnol. Ce roman a connu une première traduction en français avec un autre titre Marquises, si vos rivages.
Ici Pepe Carvalho croise la route de Yes, charmante jeune fille grosse consommatrice de poudre blanche.  


Ça ne m'intéresse pas de vivre un amour fou avec une fille qui ne fait pas la différence entre l'amour et la cocaïne. Pour toi, ça, c'est comme la cocaïne. Tu peux dormir ici cette nuit. Demain de bonne heure tu t'en iras et nous ne nous reverrons plus.
Yes se leva. Depuis le sol Carvalho regarda les hauteurs de son corps précis, la douce humidité de son sexe léché par un animal vorace. Elle éloigna vers la sortie ses fesses planétaires. Elle se retourna un instant pour remettre avec insistance ses cheveux derrière son oreille favorite. Ensuite elle rentra dans la chambre et ferma la porte. Quelques minutes après Carvalho alla voir. Il la trouva en train d'aspirer de la cocaïne. Yes lui sourit du fond de son rêve blanc.

15 janv. 2011

Jerzy Andrzejewski

En 1979, l'écrivain polonais Jerzy Andrzejewski publie clandestinement dans son pays le roman La pulpe, oeuvre imposante et complexe mêlant récit, journal personnel et pièce de théâtre. Dans l'extrait présenté, le docteur Ksawery Panek s'entretient avec Madame Kuran, qui déplore les frasques alcooliques de son fils Marek.


A cet instant s'est cristallisée en Ksawery la certitude qui le tourmentait confusément comme un insaisissable stryge depuis la première nuit, la nuit du mardi au mercredi (après le récital d'Halina Ferens-Czaplicka), où Marek n'est pas rentré à la maison, la certitude qu'étant tombé sur des amis de rencontre dans quelque bar il s'est abandonné en leur compagnie à un ballet de quelques jours. Et comme il possède une imagination sensible, aussitôt se sont mis à tourbillonner devant lui, à une distance d'un bras à peine et même plus près encore, toutes sortes de configurations érotiques dans lesquelles, de l'enchevêtrement effréné de membres hermaphrodites, de poitrines, de ventres, de lèvres humides et ouvertes et de cuisses licencieusement écartées ou levées comme des ailes et d'organes génitaux tumescents couverts de sueur et de salive, les sortilèges les plus agités et les plus audacieux devenaient l'apanage de Marek, de ses yeux louchant avec inquiétude mais impudence aussi, de ses yeux ombrés par les cils féminins et de son corps juvénile s'offrant avec zèle à toutes sortes d'assauts dont il était aussi instantanément avide. Assailli par cette vision importune, il a sorti un mouchoir de la poche de pantalon de velours, s'est essuyé le front et les mains et a dit :
- Je sais bien Marek a bon coeur.

8 janv. 2011

Eun Hee-Kyung

Le travail de la romancière coréenne Eun Hee-Kyung, très renommée dans son pays, a été couronné de nombreux prix littéraires. Le recueil de cinq nouvelles, Les boîtes de ma femme, publié en 1995, traite de la difficulté de communication entre deux êtres, notamment dans le couple.


Ma femme se couchait toujours en chien de fusil. De toute évidence, elle se refusait. Du moins n'était ce pas sans grande difficulté que je pouvais l'amener à des rapports charnels. Je chuchotais à son oreille : « Nous sommes mariés. L'acte en soi est très naturel. Tu devrais y prendre plaisir. »
Elle me répondait en caressant mes joues de ses lèvres : « Mais je veux tout te donner ! »
J'avais beau faire, son corps restait invariablement froid et sec. Je devais alors prendre le parti de l'embrasser doucement, avec patience, en glissant ma langue au plus intime d'elle-même. Puis, je la pénétrais lentement ; elle me prenait alors par les épaules en disant d'une voix très faible, proche des larmes : « Je t'aime. »
Comment un être aussi doux qu'elle a pu en arriver là !

1 janv. 2011

James Joyce

L'oeuvre emblématique de James Joyce, Ulysse, fut publié en 1922 à Paris. Objet d'innombrables études, ce livre fut édité en 2004 dans une nouvelle traduction française dont est tiré l'extrait suivant, situé dans l'épisode final, le monologue intérieur de Molly Bloom. La voici en plein  fantasme en pensant à Stephen Dedalus, l'un des deux personnages principaux du roman.


pourquoi est ce que les hommes sont pas tous faits comme ça quelle consolation ça serait pour une femme comme cette jolie petite statue qu'il a achetée je pourrais passer la journée à la contempler sa tête bouclée ses épaules son doigt levé pour qu'on l'écoute ça c'est de la beauté pure et de la poésie j'ai souvent senti l'envie de l'embrasser partout même sa jolie petite bite là si innocente j'aimerais bien la prendre dans ma bouche si personne me regardait comme si elle te demandait de la sucer avec son air si propre et blanc et sa tête de jeunot et je le ferais en une demi minute même s'il y en a un peu qui me va dedans ça ferait rien c'est seulement comme du gruau ou de la rosée pas de danger il serait si propre à côté de ces porcs j'imagine qui pensent même pas à se la laver d'1 année sur l'autre la plupart d'entre eux sauf que c'est ce qui donne de la moustache aux femmes je suis sûre que ce sera génial si je peux me faire un beau jeune poète à mon âge